Page:Rousseau - Fragments inédits éd. Jansen 1882.djvu/21

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Rousseau historien li

aussi l’esprit et les sentiment dont l’auteur était pénétré, prin- cipalement en 1752. On doit regretter qu’il ait renoncé à son travail, après en avoir fait le brouillon de la préface et du premier chapitre, mais ces fragments suffisent pour porter un nouveau jour sur Rousseau historien, et personne ne méconnaîtra leur importance. Voici ce fragment:

HISTOIRE DE LACÉDÉMONE PAR J,-J. ROUSSEAU. (Préface.)

»Dans la partie méridionale du Péloponèse du côté de l’orient est une contrée étroite appel lée autrefois Lélégie, puis Laconie, et enfin Lacédémone. arrosée par la rivière d’Eurotas, et dont la capitale porte le nom de Sparte.

C’est des habitans d’un païs si peu étendu que j’entreprends d’écrire l’histoire. Sans décider si jamais les plus puissans peuples en ont fourni de plus intéressantes, il me suffit de croire qu’on n’en proposera jamais à la considération des sages de plus propres à faire sentir ce que peuvent sur l’homme les loix et les mœurs et ce que peut l’homme lui- même quand il aime sincèrement la vertu. C’est donc honorer et instruire l’humanité que de ramasser ces précieux monu- mens qui nous apprennent ce que les hommes peuvent être en nous montrant ce qu’ils ont été.

Laissons à l’histoire moderne les détails importans des naisances, des mariages, des morts de quelques princes, de leurs chasses, de leurs amours, de leurs ennuyeuses fêtes, de leurs tristes plaisirs et des misères de leurs peuples; laissons les récits infidèles et de leurs guerres et de leurs combats indifferens à ceux-mêmes qui les donnent.

Apprenons s’il se peut à nos contemporains qu’un tems a été qu’il existait des hommes et déplorons le malheur et la honte de notre siècle en nous voyant forcés à les chercher si loin de nous.

J’ai balancé longtems à me charger d’un travail que je sens au-dessus de mes forces, cette histoire étant la seule qu’aucun moderne n’ait encore osé tenter, je me trouvais autant plus téméraire de l’entreprendre que j’en croiais mieux apercevoir les diilficultés ; mais un penchant presque invincible m’a si longtems tourmenté, qu’enfin j’ai succombe à ce désir opi- niâtre sachant que souvent le zèle supplée au talent et que l’ardeur de bien faire en est aussi le moyen.