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La Monongahéla

sous la surveillance inquiète d’Inès, la mort de sa mère, le chagrin qu’elle eût de quitter son couvent, ses compagnes, ce pays enchanteur de l’Andalousie pour venir s’ensevelir dans ces solitudes, afin d’aider son père à refaire leur fortune, qu’elle eût le don de l’émouvoir et d’entrer tout-à-fait dans son cœur.

Il l’écouta avec une sorte de recueillement attendri, achevant ses pensés d’un mot, quelquefois d’un sourire, et souvent les prévenant, comme si leurs deux existences eussent été mêlées heure par heure depuis qu’ils vivaient, et que le moindre battement de chacun de leur cœur eût été fidèlement répété dans l’autre.

Mais Daniel, à côté de ces moments d’ivresse sans mélange, rencontrait des jours douloureux. Tout à coup, au moment même où la jeune fille venait de lui montrer le plus charmant abandon, Don Gusman arrivait-il ? elle tournait alors le feu de ses batteries vers ce détestable personnage qui trouvait ces attentions toutes naturelles et comme chose lui étant légitimement due.

Alors la jalousie rongeait le cœur de Daniel. Il quittait le salon la rage dans l’âme, se creusait la cervelle pour trouver les moyens de chercher une bonne querelle à cet espagnol, maudissait les femmes coquettes en général et Dona Maria en particulier, se jurant de ne plus la revoir que pour lui dire toute l’amertume de son cœur.