Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
La Monongahéla

vinrent se grouper autour de leur chef qui, comme toujours, non-chalamment étendu sur un quartier de roc couvert de mousse, fumait sa pipe avec la majesté d’un jupiter tonnant.

Le vieux maître poussait les flocons de fumée avec une ardeur inaccoutumée, s’enveloppant dans un nuage, ce qui lui donnait un faux air de ces idoles indoues que les brachmes, pour frapper l’esprit de leurs adeptes, pourvoyaient jadis d’un appareil à vapeur qu’ils faisaient jouer dans les circonstances solennelles.

Bertrand était plongé dans un mutisme absolu, ce qui indiquait de sa part une forte préoccupation ou une mauvaise humeur marquée.

Personne n’osait l’interroger, quand l’éternel Pompon-Filasse, pour lequel le vieux maître semblait avoir un faible reconnu, se permit de rompre ce silence inquiétant.

— Maître, dit-il timidement, vous avez l’air d’avoir la boussole à l’envers, comme qui dirait un chien qu’on aurait coupé la queue.

— Qué que ça te fait, mon garçon ?

— Dame ! maître, ça me met l’âme en pantenne, et puis les camarades s’ennuient que Cartahut en a avalé sa chique.

— Tu parlais tout à l’heure de chien à la queue coupée, mon garçon, dont je constate que l’effet moral commence à se former. Pour lors, Pompon,