Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
La Monongahéla

bien m’agréer, et que d’ici-là vous me garderez votre foi. Dites, le voulez-vous ?

Irène était une enfant douce, pure, sage et franche. Elle était fortement éprise de Nicolas de Neuville et elle le savait digne de l’offrande d’un cœur vierge comme le sien. S’il n’allait pas revenir ? Le sort de la guerre est si cruel. Et s’il succombait pendant la campagne, ne se reprocherait-elle pas comme un crime de lui avoir refusé un aveu qui serait une consolation à l’heure suprême de la mort ?

En un instant, toutes ces pensées traversèrent son esprit. C’est donc sans timidité et sans fausse pudeur qu’elle leva son clair regard sur le jeune homme et qu’elle lui tendit sa main fine et soyeuse, en disant :

M. de Neuville, moi aussi je vous aime et je serais heureuse de vous consacrer ma vie.

Le jeune homme, les larmes aux yeux, cueillant une belle fleur qui pendait sur un myosotis à la hauteur de sa main sur la fenêtre la lui présenta :

— Alors acceptez, lui dit-il en souriant à travers ses larmes, cette humble fleur que je vous offre comme le gage de ma fidélité.

— Je l’accepte, répondit la jeune fille rougissante.

Et cueillant à son tour dans le bouquet qu’elle tenait à la main une belle fleur rouge, emblème de l’ardeur de son âme, elle la lui donna en disant :

— Placez-là près de celles que vous avez cueillies