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Le cœur de la jeune fille était bien à Louis, mais elle avait à peine vingt ans, elle en était à son premier bal ; est-il étonnant qu’elle se laissât gagner par le plaisir de la danse ?

Vers minuit, à cette heure rapide où l’éclat d’une fête est à son apogée, où les femmes ont toute leur animation sans avoir trace de fatigue, où les cerveaux des adolescents éclatent devant ces enivrantes images, où le feu des bougies, le parfum des bouquets, le souffle des danseuses forment une atmosphère torride, étouffante, excitante, vertigineuse, il était clair pour toutes les personnes présentes qu’il n’y avait pas de plus beau couple que Bigot et Claire.

Cette dernière ne se rendait pas bien compte du rôle qu’elle jouait en acceptant ainsi les assiduités de son cavalier. Car, il y a des moments où la femme la moins dépravée, la moins coquette cède au démon qui lui fait monter à la tête des vapeurs subtiles, chargées de mystérieux poisons. Claire était dans un de ces moments là, elle s’illuminait, elle s’éblouissait elle-même de sa beauté et de son triomphe.

Suspendue au bras de Bigot, la danse l’entraînait dans ses cercles magiques, dans ses tourbillons de flamme, dignes, de faire sourire Méphistophéles en habit de bal. Elle voyait, à chaque tournoiement, mille étincelles de diamants et de perles chatoyer à travers les chaudes effluves qui brûlaient son front et sa poi-