faire, avait fait sonder là-dessus leurs dispositions par un M. Sturler, son ancien voisin de Colombier. M. Sturler s’adressa à des chefs de l’État, et, sur leur réponse, assura milord maréchal que les Bernois, honteux de leur conduite passée, ne demandaient pas mieux que de me voir domicilié dans l’île de Saint-Pierre, et de m’y laisser tranquille. Pour surcroît de précaution, avant de risquer d’y aller résider, je fis prendre de nouvelles informations par le colonel Chaillet, qui me confirma les mêmes choses ; et le receveur de l’île ayant reçu de ses maîtres la permission de m’y loger, je crus ne rien risquer d’aller m’établir chez lui, avec l’agrément tacite tant du souverain que des propriétaires ; car je ne pouvais espérer que MM. de Berne reconnussent ouvertement l’injustice qu’ils m’avaient faite, et péchassent ainsi contre la plus inviolable maxime de tous les souverains.
L’île de Saint-Pierre, appelée à Neuchâtel l’île de la Motte, au milieu du lac de Bienne, a environ une demi-lieue de tour ; mais dans ce petit espace elle fournit toutes les principales productions nécessaires à la vie. Elle a des champs, des prés, des vergers, des bois, des vignes ; et le tout, à la faveur d’un terrain varié et montagneux, forme une distribution d’autant plus agréable, que ses parties ne se découvrant pas toutes ensemble, se font valoir mutuellement, et font juger l’île plus grande qu’elle n’est en effet. Une terrasse fort élevée en forme la partie occidentale, qui regarde Gleresse et Bonneville. On a planté cette terrasse d’une longue allée qu’on a coupée dans son milieu par un grand salon, où, durant les vendanges, on se rassemble les dimanches de tous les rivages voisins, pour danser et se réjouir. Il n’y a dans l’île qu’une seule maison, mais vaste et commode, où loge le receveur, et située dans un enfoncement qui la tient à l’abri des vents.
À cinq ou six cents pas de l’île, est, du côté du sud, une autre île beaucoup plus petite, inculte et déserte, qui paraît avoir été détachée autrefois de la grande par les orages, et ne produit parmi ses graviers que des saules et des persicaires, mais où est cependant un tertre élevé, bien gazonné et très-agréable. La forme de ce lac est un ovale presque régulier. Ses rives, moins riches que celles des lacs de Genève et de Neuchâtel, ne laissent pas de former une assez belle décoration, surtout dans la partie occidentale, qui est très-peuplée,