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Les Exploits d’Iberville

— Bon ! se dit-il, voilà la chance qui me revient et je vais pouvoir parler seul à la jeune chanteuse.

Il frappe à la porte, et, presque sans attendre la réponse, il l’ouvre comme s’il entrait chez lui. La jeune fille se retourne, étonnée et mécontente de ce sans-façon.

— Que désirez-vous, monsieur ? lui dit-elle.

Ces simples mots furent dits avec une fermeté froide qui surprit tout d’abord le visiteur. Il s’attendait à trouver un œil provoquant, et il rencontrait le regard tranquille et sévère d’une honnête jeune fille. Il subit involontairement l’ascendant de cette honnêteté. D’ailleurs il avait devant les yeux une femme qui ne ressemblait en rien à celles qu’il avait fréquentées à Paris.

Aucun des traits de la jeune fille n’était remarquable, mais l’expression de leur ensemble était suave et touchante, et faisait bien à l’âme. La simplicité de sa mise, sa propreté, qui avait plus de charme encore que d’élégance, tout, jusqu’à l’ordre qui régnait dans cette modeste chambre, où riait en ce moment un rayon de soleil, s’harmonisait heureusement avec la douce pureté de son visage.

En se trouvant dans cette atmosphère nouvelle pour lui, Urbain se sentit dépaysé. Il comprit alors ce qu’avait de ridicule le motif de sa visite et il fut le plus sot des jeunes gens en présence de la plus simple des jeunes filles.

Après quelques mots insignifiants sur le blan-