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Les Exploits d’Iberville

main, mon ami, et comme il peut arriver que l’un de nous soit tué pendant l’action, laissez-moi vous dire que vous êtes un brave et digne marin et que… je vous aime comme mon fils !

Et d’Iberville qui ne prodiguait pas les éloges et les caresses saisit la main du jeune homme et l’attira sûr son cœur. Presque honteux d’avoir laissé soupçonner la sensibilité de ce cœur, il le repoussa brusquement et lui dit ce seul mot : — Allez !…

— Nous mourrons tous dignes de vous, commandant ! fit le jeune officier en saluant son chef, et il s’élança sur le pont.

D’Iberville resta quelques instants immobile, les yeux fixés sur la porte. Il y avait une larme sous ces paupières basanées par la mer et noircies par la poudre. Puis semblant secouer les pensées sombres qui envahissaient son cerveau, il poussa un soupir et murmura :

— Pauvre enfant ! ce sera mourir bien jeune !… Bah ! après tout ce sera une belle mort, la fin d’un vrai loup de mer, d’un brave !

En se retournant, il aperçut notre ami Catatoès assez embarrassé de sa contenance, se dandinant sur ses jambes pour suivre le tangage du vaisseau qui augmentait de minute en minute.

Le vieux maître n’était pas resté insensible à une scène aussi attendrissante et ses écubiers, comme il aurait dit dans son pittoresque langage, c’est-à-dire ses yeux, embarquaient larmes sur larmes.