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Les Exploits d’Iberville

crus que nous arrivions au port, c’est-à-dire dans la Nouvelle-France. Mais M. Villedieu, qui a navigué dans tous ces parages, vint bientôt nous enlever nos illusions.

« Il fallut donc s’éloigner du rivage et prendre la haute mer. Le vent soufflait alors avec assez de violence ; mais vers minuit il tourna à la véritable tempête.

« Que vous dirais-je ? Au jour, notre frêle pinasse dansait sur d’immenses vagues qui se perdaient à l’horizon. Pendant cinq jours, nous fûmes ainsi ballottés, secoués et c’est un miracle que nous n’ayons pas été engloutis dans l’abîme.

« Enfin, dans la journée du sixième jour, Pierre nous signala une voile à l’horizon et nous lui fîmes des signaux de détresse.

— Si c’était un vaisseau français ! m’écriai-je avec joie.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, mademoiselle, me répondit M. Villedieu, à l’apparence, je juge que c’est plutôt un anglais.

— Alors, c’est la captivité sans retour…

— Peut-être, si le vaisseau va aux colonies anglaises ; mais s’il vogue vers l’Angleterre, nous avons plus de chance de retourner bientôt au pays.

« Bref, mon cher Urbain, continua la jeune fille, une chaloupe se détachant du navire vint nous recueillir non sans difficultés, et quelques heures