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Les Exploits d’Iberville

La joie éclatait sur tous les visages, une joie franche, vraiment fraternelle.

Parmi ceux qui se pressaient sur les quais se trouvaient aussi des femmes anxieuses, des mères tremblantes. Le mari, le fils revenait-il ? Les dangers des batailles sont terribles et la mer bien cruelle ! Sans doute ces âmes tendues avaient promis bien des cierges à la Vierge ; mais Dieu les avait-il exaucées ? Les enfants s’agitaient dans leurs bras et couraient en avant.

De tous côtés, on voyait arriver le curieux.

Les violons se faisaient déjà entendre dans les guinguettes. Allait-on s’en donner aussitôt que le matelot serait débarqué !

De la porte de chaque cabaret s’ouvrant sur le quai venaient par bouffée des odeurs de cuisine grasse. Les filles, les bras nus jusqu’au coude, préparaient le couvert et riaient à l’avance de la gaieté des convives attendus.

Ah ! c’est qu’elles connaissaient les habitudes des marins et savaient qu’une fois à terre, les vieux de la cale éprouvent l’impétueux besoin de courir des bordées d’un autre genre.

Les airs du pays sonnaient comme des fanfares de guerre et à l’angle des rues les enfants dansaient, les chapeaux des jeunes filles se pavoisaient de rubans. Pas une fête à St. Malo n’égalait celle du retour d’un vaisseau vainqueur.