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Les Exploits d’Iberville

celui qu’il avait appelé dix ans son père, celui auquel il avait voué et conservé depuis un sentiment profond de reconnaissance et de tendresse filiale.

Pierre l’attendait au bas du perron et lui tint l’étrier, tandis qu’un valet accouru au son de la cloche s’emparait du cheval.

Les rapports du jeune homme avec l’intendant, on se le rappelle, n’avaient jamais été bien tendres. Celui-ci attendit qu’Urbain lui adressa le premier la parole, ce qu’il fît.

— Savez-vous si c’est d’après les ordres du vicomte que maître Raguteau m’a écrit ? dit-il.

— Oui, monsieur Urbain, répondit l’intendant, et depuis un mois que le courrier est parti, monsieur le vicomte prie le ciel que vous arriviez avant sa mort.

— Il prie donc maintenant, votre maître ? reprît le jeune homme avec ironie.

— Oh ! monsieur ! fit le vieillard avec douleur, si vous saviez ce qui se passe ici, si vous aviez vu monsieur le vicomte, vous n’auriez pas prononcé ces paroles ! Tout est bien changé, allez !

Le jeune homme regretta d’avoir trop montré qu’il se souvenait. Aussi reprit-il avec plus de douceur ;

— Et vous, Pierre, vous ne me paraissez pas heureux ? Vous avez vieilli !…

— Ah ! monsieur, le bon temps est parti avec monsieur le marquis et vous… mais pardon ! dois-