Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/124

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cule qu’il y porte et qu’il y trouve, par la contrainte qu’il y éprouve et qu’il y cause, il ennuie, il est ennuyé. Il sort peu satisfait, on est fort content de le voir sortir. Il censure intérieurement tous ceux qu’il quitte, on raille hautement celui qui part ; et, tandis que celui-ci gémit sur leurs vices, ceux-là rient de ses défauts. Mais tous ces défauts, après tout, sont assez indifférents pour les mœurs, et c’est à ces défauts que plus d’un savant, peut-être, a l’obligation de n’être pas aussi vicieux que ceux qui le critiquent.

Mais avant le règne des sciences et des arts, on voyait, ajoute l’auteur, des empires plus étendus, des conquêtes plus rapides, des guerriers plus fameux. S’il avait parlé moins en orateur et plus en philosophe, il aurait dit qu’on voyait plus alors de ces hommes audacieux, qui, transportés par des passions violentes et traînant à leur suite une troupe d’esclaves, allaient attaquer des nations tranquilles, subjuguaient des peuples qui ignoraient le métier de la guerre, assujettissaient des pays où les arts n’avaient élevé aucune barrière à leurs subites excursions. Leur valeur n’était que férocité, leur courage que cruauté, leurs conquêtes qu’inhumanité : c’étaient des torrents impétueux qui faisaient d’autant plus de ravages qu’ils rencontraient moins d’obstacles. Aussi à peine étaient-ils passés, qu’il ne restait sur leurs traces que celles de leur fureur ; nulle forme de gouvernement, nulle loi, nulle police ; nul lien ne retenait et n’unissait à eux les peuples vaincus.