Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/135

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serait-il défendu, avant que de la jeter, de m’en servir pour le chasser de chez moi ?

Si la contradiction qu’on me reproche n’existe pas, il n’est donc pas nécessaire de supposer que je n’ai voulu que m’égayer sur un frivole paradoxe ; et cela me parait d’autant moins nécessaire, que le ton que j’ai pris, quelque mauvais qu’il puisse être, n’est pas du moins celui qu’on emploie dans les jeux d’esprit.

Il est temps de finir sur ce qui me regarde : on ne gagne jamais rien à parler de soi ; et c’est une indiscrétion que le public pardonne difficilement, même quand on y est forcé. La vérité est si indépendante de ceux qui l’attaquent et de ceux qui la défendent, que les auteurs qui en disputent devraient bien s’oublier réciproquement : cela épargnerait beaucoup de papier et d’encre. Mais cette règle si aisée à pratiquer avec moi ne l’est point du tout vis-à-vis de mon adversaire ; et c’est une différence qui n’est pas à l’avantage de ma réplique. L’auteur, observant que j’attaque les sciences et les arts par leurs effets sur les mœurs, emploie pour me répondre le dénombrement des utilités qu’on en retire dans tous les états : c’est comme si, pour justifier un accusé, on se contentait de prouver qu’il se porte fort bien ; qu’il a beaucoup d’habileté, ou qu’il est fort riche. Pourvu qu’on m’accorde que les arts et les sciences nous rendent malhonnêtes gens, je ne disconviendrai pas qu’ils ne nous soient d’ailleurs très-commodes : c’est une conformité de plus qu’ils auront avec la plupart des vices.