Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/139

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bien plus infaillible que tous les livres, et qui ne nous abandonne jamais dans le besoin. C’en serait assez pour nous conduire innocemment si nous voulions l’écouter toujours. Et comment serait-on obligé d’éprouver ses forces pour s’assurer de sa vertu, si c’est un des exercices de la vertu de fuir les occasions du vice ?

L’homme sage est continuellement sur ses gardes, et se défie toujours de ses propres forces : il réserve tout son courage pour le besoin, et ne s’expose jamais mal à propos. Le fanfaron est celui qui se vante sans cesse de plus qu’il ne peut faire, et qui, après avoir bravé et insulté tout le monde, se laisse battre à la première rencontre. Je demande lequel de ces deux portraits ressemble le mieux à un philosophe aux prises avec ses passions.

On me reproche d’avoir affecté de prendre chez les anciens mes exemples de vertu. Il y a bien de l’apparence que j’en aurais trouvé encore davantage, si j’avais pu remonter plus haut. J’ai cité aussi un peuple moderne, et ce n’est pas ma faute si je n’en ai trouvé qu’un. On me reproche encore, dans une maxime générale, des parallèles odieux, où il entre, dit-on, moins de zèle et d’équité que d’envie contre mes compatriotes et d’humeur contre mes contemporains. Cependant personne peut-être n’aime autant que moi son pays et ses compatriotes. Au surplus, je n’ai qu’un mot à répondre. J’ai dit mes raisons, et ce sont elles qu’il faut peser : quant à mes intentions, il en faut laisser le jugement à celui-là seul auquel il appartient.