Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/150

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impatients doivent faire réflexion que c’est une chose bien commode que la critique ; car où l’on attaque avec un mot, il faut des pages pour se défendre.

Je passe à la deuxième partie de la réponse, sur laquelle je tacherai d’être plus court, quoique je n’y trouve guère moins d’observations à faire.

« Ce n’est pas des sciences, me dit-on, c’est du sein des richesses que sont nés de tout temps la mollesse et le luxe. » Je n’avais pas dit non plus que le luxe fût né des sciences, mais qu’ils étaient nés ensemble, et que l’un n’allait guère sans l’autre. Voici comment j’arrangerais cette généalogie. La première source du mal est l’inégalité : de l’inégalité sont venues les richesses ; car ces mots de pauvre et de riche sont relatifs, et partout où les hommes seront égaux il n’y aura ni riches ni pauvres. Des richesses sont nés le luxe et l’oisiveté ; du luxe sont venus les beaux-arts, et de l’oisiveté les sciences. « Dans aucun temps les richesses n’ont été l’apanage des savants. » C’est en cela même que le mal est plus grand : les riches et les savants ne servent qu’à se corrompre mutuellement. Si les riches étaient plus savants, ou que les savants fussent plus riches, les uns seraient de moins lâches flatteurs, les autres aimeraient moins la basse flatterie, et tous en vaudraient mieux. C’est ce qui peut se voir par le petit nombre de ceux qui ont le bonheur d’être savants et riches tout à la fois. « Pour un Platon dans l’opulence, pour un Aristippe accrédité à la cour, combien de philosophes réduits au manteau et à la