Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/151

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besace, enveloppés dans leur propre vertu et ignorés dans leur solitude ! » Je ne disconviens pas qu’il n’y ait un grand nombre de philosophes très-pauvres, et sûrement très-fâchés de l’être : je ne doute pas non plus que ce ne soit à leur seule pauvreté que la plupart d’entre eux doivent leur philosophie ; mais quand je voudrais bien les supposer vertueux, serait-ce sur leurs mœurs, que le peuple ne voit point, qu’il apprendrait à réformer les siennes ? « Les savants n’ont ni le goût ni le loisir d’amasser de grands biens. » Je consens à croire qu’ils n’en ont pas le loisir. « Ils aiment L’étude. » Celui qui n’aimerait pas son métier serait un homme bien fou ou bien misérable. « Ils vivent dans la médiocrité. » Il faut être extrêmement disposé en leur faveur pour leur en faire un mérite. « Une vie laborieuse et modérée, passée dans le silence de la retraite, occupée de la lecture et du travail, n’est pas assurément une vie voluptueuse et criminelle. » Non pas du moins aux yeux des hommes : tout dépend de l’intérieur. Un homme peut être contraint à mener une telle vie, et avoir pourtant l’âme très-corrompue ; d’ailleurs qu’importe qu’il soit lui-même vertueux et modeste, si les travaux dont il s’occupe nourrissent l’oisiveté et gâtent l’esprit de ses concitoyens ? « Les commodités de la vie, pour être souvent le fruit des arts, n’en sont pas davantage le partage des artistes. » Il ne me paraît guère qu’ils soient gens a se les refuser, surtout ceux qui, s’occupant d’arts tout-à-fait inutiles et par conséquent très-lucratifs,