Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/209

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plus méprisable qu’elle, avait usurpé le nom du savoir, et opposait à son retour un obstacle presque invincible : il fallait une révolution pour ramener les hommes au sens commun. » Les peuples avaient perdu le sens commun, non parce qu’ils étaient ignorants, mais parce qu’ils avaient la bêtise de croire savoir quelque chose avec les grands mots d’Aristote et l’impertinente doctrine de Raymond Lulle ; il fallait une révolution pour leur apprendre qu’ils ne savaient rien, et nous en aurions grand besoin d’une autre pour nous apprendre la même vérité. Voici là-dessus l’argument de mes adversaires. « Cette révolution est due aux lettres, elles ont ramené le sens commun, de l’aveu de l’auteur ; mais aussi, selon lui, elles ont corrompu les mœurs : il faut donc qu’un peuple renonce au sens commun pour avoir de bonnes mœurs. » Trois écrivains de suite ont répété ce beau raisonnement : je leur demande maintenant lequel ils aiment mieux que j’accuse, ou leur esprit de n’avoir pu pénétrer le sens très-clair de ce passage, ou leur mauvaise foi d’avoir feint de ne pas l’entendre. Ils sont gens de lettres, ainsi leur choix ne sera pas douteux. Mais que dirons-nous des plaisantes interprétations qu’il plaît à ce dernier adversaire de prêter à la figure de mon frontispice[1] ? J’aurais cru faire injure aux lecteurs, et les traiter comme des enfants, de leur interpréter une allégorie si claire, de leur dire que le flambeau de Prométhée est celui des sciences, fait pour animer

  1. Voyez la note de la page 26.