Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/348

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hommes avancés en âge, plus elles devenaient fréquentes, et plus leurs embarras se faisaient sentir ; les brigues s’introduisirent, les factions se formèrent, les partis s’aigrirent, les guerres civiles s’allumèrent, enfin le sang des citoyens fut sacrifié au prétendu bonheur de l’État, et l’on fut à la veille de retomber dans l’anarchie des temps antérieurs. L’ambition des principaux profita de ces circonstances pour perpétuer leurs charges dans leurs familles : le peuple déjà accoutumé à la dépendance, au repos et aux commodités de la vie, et déjà hors d’état de briser ses fers, consentit à laisser augmenter sa servitude pour affermir sa tranquillité et c’est ainsi que les chefs devenus héréditaires s’accoutumèrent à regarder leur magistrature comme un bien de famille, à se regarder eux-mêmes comme les propriétaires de l’État dont ils n’étaient d’abord que les officiers, à appeler leurs concitoyens leurs esclaves, à les compter comme du bétail au nombre des choses qui leur appartenaient et à s’appeler eux-mêmes égaux aux dieux et rois des rois.

Si nous suivons le progrès de l’inégalité dans ces différentes révolutions, nous trouverons que l’établissement de la loi et du droit de propriété fut son premier terme ; l’institution de la magistrature le second, que le troisième et dernier fut le changement du pouvoir légitime en pouvoir arbitraire ; en sorte que l’état de riche et de pauvre fut autorisé par la première époque, celui de puissant et de faible par la seconde, et par la troisième