Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/377

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corps blancs et blonds décrits par les historiens latins, quoique le temps joint au mélange des Francs et des Normands, blancs et blonds eux-mêmes, eût dû rétablir ce que la fréquentation des Romains avait pu ôter à l’influence du climat, dans la constitution naturelle et le teint des habitants. Toutes ces observations sur les variétés que mille causes peuvent produire et ont produit en effet dans l’espèce humaine me font douter si divers animaux semblables aux hommes, pris par les voyageurs pour des bêtes sans beaucoup d’examen, ou à cause de quelques différences qu’ils remarquaient dans la conformation extérieure, ou seulement parce que ces animaux ne parlaient pas, ne seraient point en effet de véritables hommes sauvages, dont la race dispersée anciennement dans les bois n’avait eu occasion de développer aucune de ses facultés virtuelles, n’avait acquis aucun degré de perfection et se trouvait encore dans l’état primitif de nature. Donnons un exemple de ce que je veux dire.

« On trouve, dit le traducteur de l’Histoire des voyages, dans le royaume de Congo quantité de ces grands animaux qu’on nomme Orang-Outang aux Indes orientales, qui tiennent comme le milieu entre l’espèce humaine et les babouins. Battel raconte que dans les forêts de Mayomba au royaume de Loango, on voit deux sortes de monstres dont les plus grands se nomment Pongos et les autres Enjokos. Les premiers ont une ressemblance exacte avec l’homme ; mais ils sont beaucoup plus gros, et de fort haute taille. Avec un visage humain, ils ont les yeux fort enfoncés. Leurs mains, leurs joues, leurs oreilles sont sans poil, à l’exception des sourcils qu’ils ont fort longs. Quoiqu’ils aient le reste du corps assez velu, le poil n’en est pas fort épais, et sa couleur est brune. Enfin, la seule partie qui les distingue des hommes est la jambe qu’ils ont sans mollet. Ils marchent droits en se tenant de la main le poil du cou ; leur retraite est dans les bois ; ils dorment sur les arbres et s’y font une espèce de toit qui les met à couvert de la pluie. Leurs aliments sont des fruits ou des noix sauvages. Jamais ils ne mangent de chair. L’usage des Nègres qui traversent les forêts est d’y allumer des feux pendant la nuit. Ils remarquent que le matin à leur départ les pongos