Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/378

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prennent leur place autour du feu et ne se retirent pas qu’il ne soit éteint : car avec beaucoup d’adresse, ils n’ont point assez de sens pour l’entretenir en y apportant du bois. Ils marchent quelquefois en troupes et tuent les Nègres qui traversent les forêts. Ils tombent même sur les éléphants qui viennent paître dans les lieux qu’ils habitent et les incommodent si fort à coups de poing ou de bâton qu’ils les forcent à prendre la fuite en poussant des cris. On ne prend jamais de pongos en vie ; parce qu’ils sont si robustes que dix hommes ne suffiraient pas pour les arrêter. Mais les Nègres en prennent quantité de jeunes après avoir tué la mère, au corps de laquelle le petit s’attache fortement : lorsqu’un de ces animaux meurt, les autres couvrent son corps d’un amas de branches ou de feuillages. Purchass ajoute que dans les conversations qu’il avait eues avec Battel, il avait appris de lui-même qu’un pongo lui enleva un petit Nègre qui passa un mois entier dans la société de ces animaux ; car ils ne font aucun mal aux hommes qu’ils surprennent, du moins lorsque ceux-ci ne les regardent point, comme le petit Nègre l’avait observé. Battel n’a point décrit la seconde espèce de monstre.

Dapper confirme que le royaume de Congo est plein de ces animaux qui portent aux Indes le nom d’orang-outang, c’est-à-dire habitants des bois, et que les Africains nomment Quojas-Morros. Cette bête, dit-il, est si semblable à l’homme qu’il est tombé dans l’esprit à quelques voyageurs qu’elle pouvait être sortie d’une femme et d’un singe : chimère que les Nègres mêmes rejettent. Un de ces animaux fut transporté de Congo en Hollande et présenté au prince d’Orange Frédéric-Henri. Il était de la hauteur d’un enfant de trois ans et d’un embonpoint médiocre, mais carré et bien proportionné, fort agile et fort vif ; les jambes charnues et robustes, tout le devant du corps nu, mais le derrière couvert de poils noirs. À la première vue, son visage ressemblait à celui d’un homme, mais il avait le nez plat et recourbé ; ses oreilles étaient aussi celles de l’espèce humaine ; son sein, car c’était une femelle, était potelé, son nombril enfoncé, ses épaules fort bien jointes, ses mains divisées en doigts et en pouces, ses mollets et ses talons gras et charnus. Il marchait