Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/394

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tous fait périr, soit de langueur, soit dans la mer où ils avaient tenté de regagner leur pays à la nage ; je me contenterai de citer un seul exemple bien attesté, et que je donne à examiner aux admirateurs de la police européenne.

« Tous les efforts des missionnaires hollandais du cap de Bonne-Espérance n’ont jamais été capables de convertir un seul Hottentot. Van der Stel, gouverneur du Cap, en ayant pris un dès l’enfance, le fit élever dans les principes de la religion chrétienne et dans la pratique des usages de l’Europe. On le vêtit richement, on lui fit apprendre plusieurs langues et ses progrès répondirent fort bien aux soins qu’on prit pour son éducation. Le gouverneur, espérant beaucoup de son esprit, l’envoya aux Indes avec un commissaire général qui l’employa utilement aux affaires de la Compagnie. Il revint au Cap après la mort du commissaire. Peu de jours après son retour, dans une visite qu’il rendit à quelques Hottentots de ses parents, il prit le parti de se dépouiller de sa parure européenne pour se revêtir d’une peau de brebis. Il retourna au fort, dans ce nouvel ajustement, chargé d’un paquet qui contenait ses anciens habits, et les présentant au gouverneur il lui tint ce discours (voy. le frontispice). « Ayez la bonté, monsieur, de faire attention que je renonce pour toujours à cet appareil. Je renonce aussi pour toute ma vie à la religion chrétienne, ma résolution est de vivre et mourir dans la religion, les manières et les usages de mes ancêtres. L’unique grâce que je vous demande est de me laisser le collier et le coutelas que je porte. Je les garderai pour l’amour de vous. » Aussitôt, sans attendre la réponse de Van der Stel, il se déroba par la fuite et jamais on ne le revit au Cap. » Histoire des Voyages, tome 5, p. 175.

Note 17

On pourrait m’objecter que dans un pareil désordre les hommes au lieu de s’entr’égorger opiniâtrement se seraient dispersés, s’il n’y avait point eu de bornes à leur dispersion. Mais premièrement ces bornes eussent au moins été celles du monde, et si l’on pense à l’excessive population qui résulte de l’état de nature, on jugera que la terre dans cet état n’eût pas