Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/53

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les fruits du goût acquis par de bonnes études et perfectionné dans le commerce du monde.

Qu’il serait doux de vivre parmi nous, si la contenance extérieure était toujours l’image des dispositions du cœur, si la décence était la vertu, si nos maximes nous servaient de règle, si la véritable philosophie était inséparable du titre de philosophe ! Mais tant de qualités vont trop rarement ensemble, et la vertu ne marche guère en si grande pompe. La richesse de la parure peut annoncer un homme opulent, et son élégance un homme de goût : l’homme sain et robuste se reconnaît à d’autres marques ; c’est sous l’habit rustique d’un laboureur, et non sous la dorure d’un courtisan, qu’on trouvera la force et la vigueur du corps. La parure n’est pas moins étrangère à la vertu, qui est la force et la vigueur de l’âme. L’homme de bien est un athlète qui se plaît à combattre nu ; il méprise tous ces vils ornements qui gêneraient l’usage de ses forces, et dont la plupart n’ont été inventés que pour cacher quelque difformité.

Avant que l’art eût façonné nos manières et appris à nos passions à parler un langage apprêté, nos mœurs étaient rustiques, mais naturelles ; et la différence des procédés annonçait, au premier coup d’œil, celle des caractères. La nature humaine, au fond, n’était pas meilleure ; mais les hommes trouvaient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement ; et cet avantage, dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnait bien des vices.