Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/69

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ce que nous devons penser de cette foule d’écrivains obscurs et de lettrés oisifs qui dévorent en pure perte la substance de l’état.

Que dis-je, oisifs ? et plut à Dieu qu’ils le fussent en effet ! les mœurs en seraient plus saines et la société plus paisible. Mais ces vains et futiles déclamateurs vont de tous côtés, armés de leurs funestes paradoxes, sapant les fondements de la foi, et anéantissant la vertu. Ils sourient dédaigneusement à ces vieux mots de patrie et de religion, et consacrent leurs talents et leur philosophie à détruire et avilir tout ce qu’il y a de sacré parmi les hommes. Non qu’au fond ils haïssent ni la vertu ni nos dogmes ; c’est de l’opinion publique qu’ils sont ennemis : et, pour les ramener aux pieds des autels, il suffirait de les reléguer parmi les athées. Ô fureur de se distinguer, que ne pouvez-vous point !

C’est un grand mal que l’abus du temps. D’autres maux pires encore suivent les lettres et les arts. Tel est le luxe, né comme eux de l’oisiveté et de la vanité des hommes. Le luxe va rarement sans les sciences et les arts, et jamais ils ne vont sans lui. Je sais que notre philosophie, toujours féconde en maximes singulières, prétend, contre l’expérience de tous les siècles, que le luxe fait la splendeur des états : mais, après avoir oublié la nécessité des lois somptuaires, osera-t-elle nier encore que les bonnes mœurs ne soient essentielles à la durée des empires, et que le luxe ne soit diamétralement opposé aux bonnes mœurs ? Que le luxe