Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/75

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tinée à servir sans cesse d’exemple aux autres peuples, l’élévation des Médicis et le rétablissement des lettres ont fait tomber derechef, et peut-être pour toujours, cette réputation guerrière que l’Italie semblait avoir recouvrée il y a quelques siècles.

Les anciennes républiques de la Grèce, avec cette sagesse qui brillait dans la plupart de leurs institutions, avaient interdit à leurs citoyens tous ces métiers tranquilles et sédentaires qui, en affaissant et corrompant le corps, énervent sitôt la vigueur de l’âme. De quel œil, en effet, pense-t-on que puissent envisager la faim, la soif, les fatigues, les dangers, et la mort, des hommes que le moindre besoin accable, et que la moindre peine rebute ? Avec quel courage les soldats supporteront-ils des travaux excessifs dont ils n’ont aucune habitude ? Avec quelle ardeur feront-ils des marches forcées sous des officiers qui n’ont pas même la force de voyager à cheval ? Qu’on ne m’objecte point la valeur renommée de tous ces modernes guerriers si savamment disciplinés. On me vante bien leur bravoure en un jour de bataille ; mais on ne me dit point comment ils supportent l’excès du travail, comment ils résistent à la rigueur des saisons et aux intempéries de l’air. Il ne faut qu’un peu de soleil ou de neige, il ne faut que la privation de quelques superfluités, pour fondre et détruire en peu de jours la meilleure de nos armées. Guerriers intrépides, souffrez une fois la vérité qu’il vous est si rare d’entendre. Vous êtes braves, je le sais ;