Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/286

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hutte de branchages et se nourrissait de fruits ou de racines, gardant précieusement son fusil et ses cartouches en prévision de quelque attaque de fauves.

Lors du fatal soufflet donné à l’adjudant, Velbar avait sur lui sa boîte d’aquarelle et son album. Avec l’eau d’un ruisseau puisée dans un caillou creux il put délayer ses couleurs et charmer par le travail ses longues journées de solitude. Il voulut résumer par l’image le sombre drame de Bougie et apporta tous ses soins à l’accomplissement de cette tâche absorbante.

De longs mois passèrent sans amener aucun changement dans la situation du pauvre reclus.

Un jour, Velbar entendit des pleurs lointains que répétaient les échos généralement silencieux de son vaste domaine. S’étant rapproché de l’endroit d’où venait le bruit, il découvrit Sirdah, abandonnée depuis peu par Mossem, et prit dans ses bras la pauvre enfant, dont les cris cessèrent aussitôt. Quelques jours avant, il avait capturé, à l’aide de trappes, un couple de buffles sauvages, qu’il retenait prisonniers avec de fortes lianes enroulées autour de leurs cornes et fixées à un tronc d’arbre. Le lait de la femelle lui servit a élever sa fille d’adoption, et sa vie, jusqu’alors si solitaire, eut désormais un intérêt et un but.

À mesure qu’elle grandissait, Sirdah, pleine de charme et de grâce en dépit de sa loucherie,