Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/31

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la lame, bien affûtée, était faite en un bois étrange, aussi dur que le fer.

Plusieurs esclaves venaient de se joindre à lui pour l’assister dans sa besogne de bourreau.

Maintenu par eux, le traître Gaïz-dûh fut enjoint de s’agenouiller, la tête baissée, pendant que les deux autres condamnés demeuraient immobiles.

À deux mains Rao brandit sa hache et, par trois fois, frappa la nuque du traître. Au dernier coup la tête roula sur le sol.

L’emplacement était resté indemne de toute éclaboussure rouge, à cause du curieux bois tranchant qui, en pénétrant dans les chairs, produisait un effet d’immédiate coagulation sanguine, tout en aspirant les premières gouttes dont l’effusion ne pouvait être évitée.

Le chef et le tronc offraient sur leur partie sectionnée l’aspect écarlate et solide de certaines pièces de boucherie.

On pensait malgré soi à ces mannequins de féerie qui, habilement substitués à l’acteur grâce au double fond de quelque meuble, sont proprement découpés sur la scène en tronçons pourvus à l’avance d’un trompe-l’œil sanguinolent. Ici, la réalité du cadavre rendait impressionnante cette rougeur compacte habituellement due à l’art d’un pinceau.