Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/319

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une consolation dans la foi, s’était retiré dans le désert pour y vivre en anachorète, revenant parfois semer la bonne parole sur les lieux témoins de ses erreurs passées.

À la suite de longues privations, Phéior était devenu d’une maigreur extrême ; sa tête, naturellement volumineuse, semblait immense comparée à son corps étique, et ses tempes surtout ressortaient prodigieusement aux deux côtés de son visage émacié.

Un jour, Phéior parut sur la place publique au moment où les citoyens convoqués discutaient les affaires de l’État. À cette époque deux assemblées distinctes, celle des jeunes gens et celle des vieillards, se réunissaient à jour fixe sur cette espèce de forum, la première émettant de hardis projets de lois rectifiés par la deuxième dans le sens de la modération. Ces deux groupes se disposaient chacun suivant un carré parfait pouvant représenter la superficie d’une acre.

L’apparition de Phéior, célèbre par sa soudaine conversion, suspendit un instant les délibérations.

Aussitôt le néophyte, selon sa coutume, se mit à prêcher avec ardeur le mépris des richesses et des plaisirs, prenant surtout à partie le clan des jeunes, auxquels il semblait reprocher directement toutes sortes de vices et de turpitudes.