Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/389

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Sans s’interrompre, le tzigane, par une série de regards furtifs, surveilla le nouvel arrivant, qui se rapprochait doucement de la cithare.

Faisant halte sous le support, le ver se lova sans crainte entre les pieds du Hongrois, qui, en baissant les yeux, le voyait immobile au ras du sol.

Oubliant vite l’incident, Skarioffszky continua son travail, et durant trois grandes heures des flots d’harmonie s’échappèrent sans trêve de son poétique instrument.

Le soir venu, l’exécutant se mit enfin debout ; regardant le ciel pur exempt de toute menace pluvieuse, il résolut de laisser la cithare en place pour la prochaine étude.

Au moment de quitter sa retraite il aperçut le ver qui, rebroussant chemin, se dirigeait du côté de la berge pour disparaître bientôt dans les profondeurs de la rivière.

Le lendemain, Skarioffszky s’installa de nouveau près de la source bizarre et entama son labeur par une capricieuse valse lente.

Pendant la première reprise, le virtuose fut quelque peu distrait par le ver colossal, qui, se dressant hors du courant, gagna directement son poste de la veille, où il resta gracieusement enroulé jusqu’à la fin de la séance musicale.

Cette fois encore, avant de se retirer, Skarioffszky put voir l’inoffensif reptile qui, saturé