Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/356

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lissait imperceptiblement la cire de la marque visée, parachevant ainsi le premier travail en perfectionnant la qualité future de sonorités en germe.

Se retournant vers nous pour ranger son as, Lucius, posant la tablette verte à plat sur le guéridon, saisit l’appareil acoustique, dont il promena doucement l’aiguille d’or presque verticale sur la ligne que formaient les marques. La pointe, remuant sur ce chemin rugueux, transmit maintes vibrations à la membrane, et, s’échappant du cornet, une voix de femme, pareille à celle de Malvina, chanta clairement sur les notes demandées : « Ô Rébecca… »

Par le procédé soumis à nos yeux, le fou, paraissait-il, créait artificiellement toutes sortes de voix humaines. Cherchant à retrouver celle émise par sa fille dans de premières ébauches oratoires, il multipliait les épreuves, comptant découvrir par hasard quelque timbre qui, se rapprochant de son idéal, l’aiguillerait vers la réussite. C’est pourquoi, prononçant ce mot : « Chantez », il s’était hâté de reproduire le modèle fourni par Malvina.

Pilotant derechef l’aiguille d’or sur la ligne,