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IV

LA BOUSSOLE.



LE monde physique est un véritable miroir, qui réfléchit le monde moral, et quand on l’observe avec attention, on y trouve toujours des images saisissantes de ce qui se passe dans l’ordre spirituel.

La nuit était calme, la mer paisible ; mais de lourds nuages roulaient silencieusement sur nos têtes. La lune qui semblait hâter sa course vint bientôt s’y blottir comme une biche effrayée. À de rares intervalles ce couvercle sombre se déchirait, et laissait apercevoir quelques étoiles craintives qui s’enfuyaient et se cachaient dans les profondeurs du firmament, comme on voit de blanches colombes s’envoler à tire-d’aile dans les profondeurs des forêts.

Nous longions les côtes d’Irlande, dont les sombres falaises apparaissaient au loin comme une ligne plus noire qui se détachait de la mer et du ciel. Mais peu après la nuit s’assombrit encore, et nous ne vîmes plus rien. Le ciel et la mer se confondirent dans une obscurité profonde d’où s’élevait lugubre et solennelle la grande voix des flots.