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PARIS

les petits par la main de la charité. Il dit au riche : fais-toi petit, fais-toi pauvre, si tu veux parvenir au royaume des cieux ; et en même temps il dit au pauvre, courbé sous le travail : courage, relève la tête et regarde les cieux ; il y a là pour toi des espérances éternelles. Sois bon, et j’obligerai le riche à te faire une part de ses biens. La charité d’un côté et la reconnaissance de l’autre feront de vous tous des frères, marchant ensemble vers la demeure de votre Père commun, unis dans la sainte fraternité du baptême !

La voilà, la seule égalité possible, la vraie, la bonne égalité, que la charité chrétienne peut seule réaliser.

Au surplus, c’est au christianisme que la Révolution a emprunté toute cette formule sociale : liberté, égalité, fraternité. Mais elle n’a pris que les mots, et elle a détruit les biens qu’il représentent, à tel point qu’un grand orateur a pu s’écrier avec raison : à cette république qui s’est appelée la république des trois vérités, je donne un démenti : elle est la république des trois mensonges.

Comment s’étonner après cela de l’état social de la France ? Comment ne pas s’expliquer les divisions profondes, les haines sourdes ou éclatantes, les ambitions inassouvies, qui placent la nation dans un état permanent de guerre sociale et d’instabilité ?

L’autre soir, je me suis arrêté sur le pont de la Concorde, et voici le spectacle que j’ai contemplé.

En face de moi, dans un lointain sombre, j’apercevais au fond de la rue Royale la belle et grande