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PARIS

église de la Madeleine. Derrière moi, tout près de la Seine, le Corps Législatif dressait ses lourdes colonnes. À droite, au-dessus des grands arbres, surgissaient les Tuileries abandonnées et partiellement démolies ; à gauche le Palais de l’Industrie où se faisait une exposition industrielle.

Ce qui animait ce tableau, c’était la multitude de lumières qui scintillaient partout. Les unes s’allongeaient en lignes symétriques à perte de vue de l’Île de la Cité jusque sur les hauteurs de Passy ; d’autres s’étendaient en groupes épars sur la Place de la Concorde et dans les Champs Élysées. Les unes étaient immobiles comme les étoiles fixes du firmament, les autres marchaient, couraient, se croisaient dans toutes les directions et sillonnaient l’obscurité de leurs rayons rouges, bleus, verts ou blancs.

Il me sembla que ce tableau était une image parfaite de l’état social du peuple français et de presque toutes les nations modernes.

La Madeleine, c’était l’Église Catholique ; le Corps Législatif, c’était l’État. Les deux pouvoirs étaient en face l’un de l’autre, mais au lieu d’être unis comme ils devraient l’être dans une société bien organisée, je les voyais séparés par un fleuve, que les préjugés, les passions et les vices avaient creusé. La séparation pourtant n’était pas complète, et le pont jeté sur le fleuve pour les réunir me rappela le Concordat : Il en portait presque le nom.

Les réverbères immobiles symbolisaient les vérités de la foi, les dogmes catholiques, qui, sans varier,