Page:Roux - La Question agraire en Italie, 1910.djvu/93

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le prix qu’on en exige et se laisse voler sur le poids. Il se rend compte de tout cela et eh souffre, mais ne fait pas effort pour y remédier. Toute organisation de coopérative est d’ailleurs difficile entre ouvriers presque nomades qui ne sont pas assurés de revenir deux années de suite sur le même domaine. L’anarchie semble être l’état normal actuel de l’Argo romano.

Je connais un fermier lombard qui a voulu supprimer les abus de la dispensa ; il l’administre en régie et n’en tire que le bénéfice normal des commerçants de détail. Il a établi et affiché un tarif et il distribue aux ouvriers des carnets de bons qui servent aux achats, afin d’empêcher le plus possible les tripotages d’argent ; les aliments sont de bonne qualité. Malgré cela, les ouvriers, tout en reconnaissant les bonnes intentions du patron, se plaignent vivement de la dispensa et surtout du préposé qui fait fortune, disent-ils. Il est possible qu’il y ait un peu de parti pris chez eux, car une longue expérience leur fait considérer tout dispensiere comme un voleur, mais il est possible aussi que le préposé, ne pouvant tromper ni sur les prix, ni sur la qualité, se rattrape sur le poids, fasse passer une qualité pour une autre et opère des détournements, etc. Les ouvriers se montrant incapables de se défendre eux-mêmes, il faudrait de la part du patron une surveillance de tous les instants, autant dire qu’il devrait faire lui-même le service du comptoir. Il est des cas où le patronage ne saurait pratiquement suppléer à l’incapacité de l’ouvrier.

En somme, la nourriture de l’émigrant dans