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LA MAIN DE FER

associés, en prit possession et saisit tout ce qu’il contenait. Il envoya un officier au fort Saint-Louis opérer la même spoliation.

Il fit dire aux tribus des lacs qu’il abandonne les Illinois et déclare aux Iroquois qu’il n’approuve pas les faits de Cavelier de la Salle et qu’on ne s’inquiétera pas de ce qui pourrait arriver.

La conséquence de ces agissements ne pouvait différer plus longtemps. C’était donner libre carrière aux ennemis de M. de la Salle.

Celui-ci, inquiet de ne pas avoir eu de réponse à sa première lettre, en écrit une deuxième. Il soupçonne le mal qu’on lui veut. Ses engagés qu’il a envoyés à Montréal quérir des provisions ne sont pas revenus. La Barre ne répondit pas. L’un de ses officiers s’acheminait vers le fort Saint-Louis, en ce temps-là, pour en prendre charge, et sommer De la Salle de se rendre à Québec.

Mais avant que l’émissaire du gouverneur parvienne au rocher des Illinois, De la Salle s’est décidé à passer en France, et il prend le chemin du Canada.

Il cause avec Tonty de ses projets et lui donne des instructions à suivre durant son absence.

Puis, un matin de septembre, De la Salle monté sur le sommet d’une des redoutes du fort, embrasse du regard le paysage que la nature déploie autour de lui : entre les rochers voisins et le fort règne des deux côtés un grand vallon qu’un ruisseau coupe par le milieu et inonde quand il pleut. De l’autre côté, c’est une prairie qui borde la rivière. Ici et là, dans la prairie sont disposées pittoresquement les cabanes des sauvages. Les sauvagesses travaillent aux champs ; leurs maîtres flânent et se chauffent au soleil, et des enfants jouent et se roulent sur le vert gazon. Dans la rivière, au pied du fort, il y a une belle île, défrichée autrefois par les Illinois, où De la Salle et ses employés ont fait leurs semences à portée du mousquet du fort, tellement qu’on peut défendre les travailleurs de l’intérieur du fort et empêcher l’ennemi de mettre pied dans l’île. Le bord des rochers qui environnent le fort est couvert de chênes dans un espace de trois ou quatre arpents de large, après quoi ce sont de vastes campagnes, de fort bonnes terres.

Il donne une accolade chaleureuse à l’ami fidèle, Tonty, et descend la rampe qui mène au bas du rocher.

Peu après, le canot de La Salle disparaît à l’un des coudes de la rivière, et Tonty rentre au fort, envahi par un sentiment indéfinissable de tristesse ; il a le pressentiment qu’il a vu M. de la Salle pour la dernière fois.

En route, De la Salle rencontra l’envoyé du gouverneur, le sieur de la Durantais qui lui fit part de sa mission. Le découvreur forma aussitôt la résolution de porter ses griefs à la Cour. Avant de se séparer de M. de la Durantais, il lui remit une lettre pour Tonty, enjoignant à celui-ci de ne point résister.

De la Durantais permit le séjour du fort au chevalier de Tonty.

Relevé de commandement et d’autorité, Tonty trouva la vie oisive et lourde et se mit à parcourir le pays adjacent pour se distraire.


CHAPITRE XVII

DERNIÈRES INTRIGUES


Lorsque De la Salle rencontra De la Durantais et le chevalier de Baugy et qu’ils lui intimèrent les commandements du gouverneur De la Barre, il leur avait donné une lettre pour Tonty, le priant de ne causer aucun trouble, nul ennui à ces deux officiers et de leur remettre la charge du fort. Cette lettre contenait aussi des directions relativement à ses engagés. De la Salle passait en France dans le plus bref délai pour faire corriger ses griefs et il mandait à Tonty de garder ses gens ensemble, de les occuper comme il le jugerait bon, et que pour lui, il espérait revenir bientôt muni de pleins pouvoirs pour ses entreprises du Sud-ouest.

Pendant quelque temps, les choses n’allèrent pas trop mal au fort Saint-Louis, et Durantais s’en alla à Michilimakinac laissant Baugy à sa place.

Un jour, deux de ses engagés vinrent trouver Tonty et lui dirent :

M. de Baugy nous offre un meilleur salaire pour travailler à son compte et nous voulons savoir si M. de la Salle reviendra. Sinon nous prendrons service ailleurs.

Tonty les rassura quant au retour de son supérieur.

Quelque temps après, d’autres se présentèrent devant le chevalier italien et annoncèrent