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L’ESCLAVE BLANCHE DES YHATCHÉILINIS

— Très bien ! Cours me chercher ton père. Dis-lui que je désire le voir immédiatement.

Le jeune Yhatchéilini courut s’acquitter du message de Joseph.

À ce moment, Pierre rejoignait son ami, et sa première parole, comme on le devine, porta sur l’incident mystérieux de la veille.

Joseph mit Pierre au courant de ce qu’il avait appris déjà du Renard, qu’il venait d’envoyer quérir Patte-d’Ours, en demeure probablement de les mieux éclairer.

— Pourquoi, n’interroges-tu pas Œil-de-Faucon, que nous avons capturé cette nuit avec sa bande ? Puisque l’inconnue habite la cabane de son père, il doit posséder toutes les informations qu’il nous faut ?

— Ton moyen n’est pas praticable, mon cher. Le sauvage, s’apercevant que nous avons découvert ce qu’il a si bien caché jusqu’à présent, qu’on n’a pu en soupçonner l’existence, se taira et tentera plutôt de nous fourvoyer ou de nous circonvenir !…

Pendant qu’ils s’entretenaient de la sorte, le Renard revint accompagné de son père.

Joseph donna un siège à Patte-d’Ours et lui expliqua aussitôt le motif pour lequel il voulait le voir.

Sur les traits du vieux sauvage se refléta d’abord la surprise, mais, reprenant son masque d’impassibilité que le peau-rouge cherche toujours à conserver en toute occasion, il dit :

— Que mon frère pâle me permette une question : « Par quelle voie a-t-il connu ce que le chef des Yhatchéilinis tenait secret ?… Les fils de Patte-d’Ours auraient-ils trahi l’ordre du Corbeau d’être muets avec les guerriers blancs sur cette affaire ?

— Non répondit Joseph. Le grand manitou des Français m’a fait connaître l’existence de la malheureuse qui gémit au pouvoir du Corbeau, et j’ai décidé de lui faire rendre sa liberté.

Patte-d’Ours secoua la tête en signe de négation.

— Mon frère ne réussira pas facilement. Le chef Yhatchéilini ne se dessaisirait pas de son bien pour rien ; il exigera de riches présents certainement. Mais, il ne sera pas le seul peut-être à disposer de la belle captive, l’ayant promise à son fils qui en est épris.

Œil-de-Faucon refusera peut-être de se séparer de celle qu’il aime et malheur en adviendra, car il y aura du sang versé de part et d’autre !

— S’il faut combattre, nous le ferons pour obtenir ce que nous demandons, dit Pierre.

— Les guerriers français sont vaillants, mais les Yhatchéilinis sont braves aussi, et plus nombreux, ajouta Patte-d’Ours avec orgueil.

— Comment la prisonnière blanche est-elle tombée au pouvoir du Corbeau, demanda Joseph

— À trois jours de marche d’ici, nous avons rencontré une petite bande de Sioux qui s’acheminait à l’Est venant de bien loin, du soleil couchant. Ils nous montrèrent des objets rares et utiles pour nous. Nous fîmes des échanges, leur donnant des provisions, etc.

Le Corbeau, ayant su que ces Sioux avaient une captive blanche