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BROSSARD ENCORE EN SCÈNE

grottes était plutôt comme la cheminée d’une fournaise, et la fumée s’y engouffrait, forçant toujours à reculer les trois êtres qui l’habitaient. Elle les suivit jusqu’à la grotte contenant la pépite, mais là, elle monta en capricieuses spirales et s’échappa par quelques fissures de la voûte.

— Nous allons déjeuner dans ce lieu pour la dernière fois, dit Pierre, le matin, car nous partirons d’ici dans une demi-heure. Il revenait de la coulée, et son visage respirait la joie.

Le lecteur a probablement deviné quels étaient les ennemis des trois hommes enfermés dans le souterrain de la Pipe ?

Nous avons dit que les Assinibouëls en traversant la rivière en face du fort avaient détaché quelques uns des leurs sur la piste encore fraîche de Pierre.

Cette meute suivait Brossard, adopté par cette tribu de peaux-cuivrées. Le drôle s’était dit, en apercevant les traces des trois raquetteurs, que M. de la Vérendrye ou M. de Noyelles, voire les deux, avaient dû passer par là, se rendant à la fameuse cachette mentionnée dans les papiers de l’amulette.

Il n’avait pas tardé à se rapprocher et à reconnaître M. de Noyelles et ses aides.

Il les laissa continuer leur marche, voulant découvrir leur secret. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la grotte il se dit qu’enfin il les tenait !

C’est lui qui envoya deux balles, l’une au Renard, l’autre dans la porte, le soir, au moment du repas des hommes qu’il traquait ; et c’est lui encore qui fit un brasier immense à l’entrée de la grotte pour asphyxier ceux qu’il y savait enfermés.

Mais ses desseins ne devaient aboutir à rien.

Un matin, le cinquième depuis qu’il poursuivait Pierre, il vit à l’est un panache de vapeur épaisse balayé par la brise très fraîche qui soufflait de l’ouest. Ne comprenant pas exactement ce que cela signifiait, mais ayant un vague pressentiment que la grotte recelait une issue autre que l’entrée surveillée par ses Assinibouëls, et que la fumée avait suivi cette voie, il voulut s’assurer du fait par lui-même.

Il rassembla quelques hommes et s’élança vers l’endroit d’où la fumée sortait encore, à l’autre bout de la Pipe.

Comme il s’arrêtait à la petite sapinière décrite sur la seconde carte de l’amulette, il aperçut une chose étrange qu’il reconnut bientôt.

Poussant un cri de rage, il redoubla de vitesse, mais il était écrit qu’il serait en retard.

Un grand traîneau, muni de trois patins, deux à l’avant et le dernier en arrière, formant gouvernail, venait de sortir de la coulée, tiré par Pierre et ses aides.

Ce traîneau singulier avait un mât dont la voile — une voile carrée — était composée des couvertures de laine apportées par monsieur de Noyelles pour se garantir du froid, le soir.

Cette voile mesurait dix pieds de large par douze de hauteur.

Aussitôt hors de le coulée, les trois hommes prirent place sur le traîneau, Pierre à la barre et le Renard et son frère sur le gaillard d’avant, c’est-à-dire chacun sur un patin.