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L’OUBLIÉ

jours l’histoire que nous citons, Elisabeth Moyen, jeune orpheline qui avait été enlevée par les Iroquois dans un combat où ses parents furent massacrés, mais qui ensuite fut rendue à la liberté et échangée par les sauvages pour un guerrier que l’on avait fait prisonnier à Montréal. La vie de famille ne fut pas longue pour Lambert Closse et Elisabeth Moyen. Le mari fut tué par une balle iroquoise, et la jeune épouse resta veuve à dix-neuf ans, n’ayant pour se consoler qu’une petite fille de deux ans.

Et voilà tout le sujet du roman, tout le thème sur lequel devaient broder l’imagination et l’exquise sensibilité de Laure Conan. Lambert, c’est l’oublié ; Elisabeth, c’est la jeune fille timide, un peu naïve, attachante, qui éveille un très discret amour dans un cœur de brave, lequel ne semblait né tout d’abord que pour la gloire et les rudes combats.

La scène se passe dans l’île de Montréal, à l’heure précise où déjà Villemarie se dégage de la forêt, et étale ses trente petites maisons sur la Pointe-à-Callières ; mais à l’heure fatale aussi où les Iroquois font à Québec et à Montréal des expéditions meurtrières, surprennent, massacrent, tuent les pauvres colons. C’est la vie que l’on menait au milieu de telles alertes, c’est l’héroïsme que suscitaient de pareils combats que Laure Conan a voulu peindre et raconter ; c’est un fragment de la grande épopée canadienne qu’elle nous a voulu donner.

À ce chant épique, il fallait un Achille ou un Roland, et c’est Lambert Closse qui doit ici jouer le rôle de ces classiques personnages. Au reste, ce ne sont pas les combats, les mêlées confuses et sanglantes que l’auteur de L’Oublié veut surtout décrire ; les guerriers ne sont pas toujours sur le champ de bataille, et c’est à la maison que Laure Conan se plaît à nous les faire voir. Qu’y a-t-il de plus touchant qu’Hector entouré d’Andromaque et du jeune Astyanax ?