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SON INTRODUCTION EN FRANCE 131

meuble et grasse, labourée profondément ; les uns font des trous avec le plantoir, et y jettent la semence : d’autres font des rayons avec la binette, et la répandent dedans, en la recouvrant de 3 ou 4 pouces de terre ; cette dernière façon est la meilleure. Au reste, cette semence n’est autre que le fruit[1] même qu’on coupe en 6, 8 ou 10 morceaux, suivant la grosseur ; car, pourvu qu’il se trouve un œil dans chaque morceau, il n’en faut pas davantage. On peut également semer les petites truffes toutes entières, à la grosseur d’une noisette, qu’on met à part tous les ans quand on les arrache : on les espace à 2 ou 15 pouces les unes des autres ; quand elles sont levées à une certaine hauteur, on les serfouit : il n’y faut pas d’autre culture. Quelques-uns cependant leur coupent la fane à moitié, quand elle est à peu près à sa hauteur, pour faire mieux profiter le pied ; d’autres l’abattent contre terre, et jettent une bêchée de terre dessus ; mais le plus grand nombre n’y font rien ; et j’ai éprouvé qu’il vient fort bien sans aucune de ces précautions. On arrache les pieds aux environs de la Toussaints, et on détache les fruits, si la terre n’est pas trop scellée ; la fourche convient mieux pour cela qu’aucun outil tranchant : on laisse un peu ressuyer le fruit, et on l’enferme ensuite, en observant qu’il ne faut pas une serre trop chaude, qui le feroit germer, ni une cave trop humide, qui le feroit pourrir, ni aucun lieu où la gelée puisse pénétrer ; se trouvant bien placé, il se conserve jusqu’après Pâques ».

On voit, par tous les intéressants détails que nous donne cet auteur, que la Pomme de terre gagnait sans bruit et insensiblement du terrain dans les cultures françaises. Les Agronomes vont nous prouver également qu’ils commençaient sérieusement à l’apprécier. Nous en trouvons la preuve dans un ouvrage intitulé Traité de la Culture des terres par Duhamel du Monceau. Dans le Volume IV, paru en 1755, se trouve cité un Journal d’expériences des cultures faites près St-Dizier en Champagne, dans la terre de Villiers en Lieu, et rédigé par son propriétaire, M. de Villiers.

« Dans le mois d’Avril 1754, dit ce dernier, j’ai fait planter du Maïs et des Pommes de terre[2] dans quatre journaux ou envi-


  1. — Il s’agit de même du tubercule.
  2. — C’est la première fois que nous trouvons les Pommes de terre désignées