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150. HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

» Dans le no 7, on trouve un passage absolument démonstratif : « Tout le monde, est-il dit, connaît les avantages qu’on peut tirer des Pommes de terre pour suppléer au Froment. Depuis longtemps on en a usé, plus de la moitié de l’Europe s’en nourrit ».

» Arrivons au Mémoire couronné à juste titre par l’Académie, au no 1, dont l’auteur était Parmentier. Le début de ce mémoire contribuera à nous fixer sur la disposition des esprits à l’époque où Parmentier écrivait : « Entre les différents objets dont la philosophie s’occupe, dit-il, aucun ne mérite plus la reconnaissance du genre humain que ceux qui tendent à sa conservation ; si de tout tems l’économie et la nourriture eussent été approfondies avec le même zèle qui anime depuis quelques années les Sociétés académiques, quels maux n’eussent pas été prévenus ? quels biens ne se fussent pas répandus ?

» Transportons-nous en idée à ces époques malheureuses consignées dans les histoires, où tous les fléaux de l’humanité réunis ne laissent de place qu’à la famine la plus affreuse, et si, comme hommes, nous ne voyons ces tableaux qu’avec horreur, admirons-y, comme philosophes, l’énergie de l’industrie humaine dans ces temps calamiteux. Préjugés vaincus, essais souvent funestes, combats contre la superstition, vous fûtes tous les fruits de l’industrie devenue nécessiteuse. Mais combien cette industrie était-elle aveugle ? Combien d’autres calamités en ont résulté ? Si dès lors les sciences plus communicatives et moins rebutées eussent mis ceux qui les cultivaient à l’abri des coups de la superstition jalouse, en quelque petit nombre que fussent les Sçavants, nous n’en doutons pas, ils auraient suffi pour éclairer leur siècle.

» Sans rien ôter de la gratitude que nous devons aux Aristotes, aux Descartes et aux Newtons, dont le génie a éclairé l’univers, n’eût-il pas été à désirer qu’un d’entre eux, au lieu de planer dans la région la plus élevée, se fut abaissé jusqu’à considérer les premiers besoins de ses semblables ? Qu’importe, en effet, au commun des hommes de quelle manière les astres se conduisent dans leur route, si pendant ce tems ils meurent de faim ? Vraisemblablement leur génie ou les circonstances déterminent ces grands hommes à d’autres spéculations que nous admirons avec justice, mais dont l’utilité paraîtra toujours éloignée pour ceux qui s’accoutument à distinguer dans l’homme ses besoins réels de ses