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160 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

fortius Lotharingiæ, imprimé à Nancy en 1764, au mot Solanum tuberosum : « On cultive cette plante dans les jardins et champs. »

» En 1761, Turgot était appelé à l’Intendance de la Généralité de Limoges : les préjugés, plus forts que la misère, y faisaient proscrire le précieux tubercule, accusé d’engendrer la Lèpre. Turgot, bien convaincu de son importance, « en fît servir, écrit M. Batbie, à sa table et distribuer aux membres de la Société d’Agriculture et aux curés, en les priant d’en recommander l’usage. Lui-même, lorsqu’il se rendait dans les communautés, s’asseyait à la table des paysans et en leur présence mangeait de la Pomme de terre. Le préjugé ne résista pas à cette démonstration, et les habitants du Limousin étaient habitués à cette nourriture avant que Parmentier ne l’eût popularisé. »

» Cependant, d’après M. Gossin, « en 1765, un évéque de Castres, Mgr. du Barral, se procure le plus qu’il peut de tubercules, les distribue entre les curés de son diocèse ; puis, il leur adresse de nombreuses Instructions sur les véritables qualités de la Solanée, dont, par mandement, il leur impose la propagation comme devoir sacré. Enfin, il demande aux Grands propriétaires la cession temporaire de quelques parcelles incultes en faveur des pauvres qui les planteraient en Pommes de terre ».

» Toutefois, la Pomme de terre ne paraît pas s’être alors beaucoup répandue dans le Département du Tarn, tandis que, s’il faut en croire Picot de Lapeyrouse, elle était en grande faveur dans certaines parties des Pyrénées, mais encore presque inconnue aux environs de Toulouse. Dans sa Topographie rurale du Canton de Montastruc [Haute-Garonne), ouvrage auquel la Société d’Agriculture de la Seine décernait un prix en 1814, ce savant écrivait : « La Pomme de terre (ou patane) n’obtient pas dans les assolements du Canton la faveur que ses éminentes qualités devraient lui mériter. Elle y était entièrement inconnue ; je l’avais vue dans les Pyrénées, où on la cultive en grand, depuis plus de cinquante ans, et où elle console ces industrieux montagnards, de l’ingratitude et de l’âpreté de leur sol. J’y en pris quelques hectolitres en 1776 : je les fis planter et bien soigner. À la seconde récolte, j’en obtins deux cents hectolitres ; j’en distribuai, j’en fis préparer de différentes manières, j’essayai d’en faire manger aux chefs de famille les plus accrédités. Tous les rebutèrent avec horreur et dédain. Les labou-