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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 59

vénéneuse. M. Félix de St-Quentin se hasarda néanmoins à la goûter après cuisson et la trouva fort bonne : aussi, au moment de son retour en France, s’empressa-t-il d’emporter une caisse de tubercules de ce Solanum, dans l’espoir de la propager. Mais le voyage fut long, et les tubercules arrivèrent complètement avariés. C’est alors que son neveu, s’intéressant à cette même plante, fit tous ses efforts pendant plus de trente ans pour l’introduire en France. Enfin, dans ces dernières années, M. A. de St-Quentin réussit, par l’obligeante entremise du consul de l’Uruguay à Marseille, à recevoir des tubercules du Solanum en question. Du moins pouvait-il croire qu’il en était ainsi. La culture de ces tubercules finit par être confiée à M. Heckel, Directeur du Jardin botanique de Marseille, qui leur fit donner des soins assidus. La plante prospéra, se trouvant fort bien de cette chaude station ; elle émit de nombreux stolons, puis des tiges qui fleurirent et même fructifièrent, et produisit des tubercules un peu plus gros que des avelines. Seulement les fleurs étaient blanches, et les tubercules assez amers, tandis que le Solanum de M. Félix de St-Quentin avait les fleurs violettes et les tubercules d’un goût agréable. M. Heckel ne tarda pas à reconnaître que la nouvelle plante qu’il cultivait était le Solanum Commersonii, dont Bonpland, nous l’avons vu plus haut, ne faisait pas un grand éloge[1].

Il est fort à présumer que cette nouvelle Pomme de terre ne remplacera jamais non plus notre Solanum tuberosum. Mais alors, on pourrait se demander, après toutes les épreuves éliminatoires qui précèdent, quelle est donc la contrée d’origine de notre excellente Pomme de terre. Nous pensons qu’il convient d’en revenir aux précieuses indications de Claude Gay. Laissons de côté l’île de Juan-Fernandez, assez éloignée du continent pour douter qu’on soit jadis allé y chercher le S. tuberosum pour l’apporter au Chili, et tenons-nous en à ce passage de l’auteur de la Flore Chilienne : « Dans les Cordillières voisines de celles de Malvarco, il existe une chaîne de montagnes où les Pommes de terre sauvages sont si communes que les Indiens et les soldats de Pincheira allaient les

  1. — Voir, dans la Revue horticole précitée, les Nouvelles observations sur S. Commersonii, par M. Heckel (1896).