Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/344

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et du pays de Caux, afin d’avoir par le croisement des coqs de forte espèce, avec de petites poules du pays, et des métis propres à donner beaucoup et de plus gros œufs, a, il est vrai, obtenu un résultat fort avantageux de cet essai, quant à l’augmentation de volume des poules ; mais c’est le produit en œufs, je ne saurois assez le répéter, que mes expériences, mes recherches et mes efforts ont uniquement eus en vue.

Je voudrois retrouver la poule d’Adria qui, selon Aristote, pondoit régulièrement tous les jours, et quelquefois deux œufs par jour. C’est sur cette poule féconde que j’appellerois tous les soins, en supposant cependant que les œufs se rapprochassent par leur volume de ceux de la poule commune ; car il paroît que la ponte est d’autant plus considérable que les œufs sont moins gros, et vice versa. La poule de soie, si jolie et si mignonne à cause de sa forme et de la finesse de ses plumes, si attentive à pondre, si assidue à couver, qui a pour ses poussins tant de tendresse et de sollicitude, seroit à coup sûr ma poule favorite et celle que je proposerois de substituer à toutes les autres, à cause de ses qualités ; mais malheureusement deux de ses œufs n’en valent pas un de la poule ordinaire ; et c’est à regret que je la relègue dans la basse-cour des curieux, où elle peut cependant servir d’exemple aux mères coquettes et dépensières. Ce n’est pas la première fois que l’orgueilleuse raison auroit reçu des leçons de l’instinct.

La poule commune, hors le temps de la mue, pond sans s’arrêter jusqu’à l’apparition des froids. On doit proscrire celles de cette race qui seroient bavardes, ainsi que les coqs muets ; on doit les renouveler de manière qu’on en ait de jeunes et de vieilles : il faut, selon le proverbe, jeunes poules pour pondre, et vieilles pour couver. Cette race ne possède pas seulement la faculté de faire beaucoup d’œufs, elle est encore la plus vigoureuse et la moins difficile sur le choix de la nourriture. Quand la cour, la grange, les écuries, les fumiers, ne fournissent pas à sa subsistance, elle trouve le long des haies et des chemins, des insectes et des grains pour y suppléer. Nous ignorons à qui on doit cette conquête ; l’époque de cette acquisition se perd dans la nuit des premiers âges du monde : on peut l’envisager comme un vrai bienfait pour l’humanité. Toutes les fois que nous parlerons des œufs, ce sera de ceux des poules communes, des noires sur-tout ; elles sont, par dessus les autres, louées des médecins pour la qualité des œufs, et des ménagères pour leur abondance en œufs.

En résumant-tout ce qui a été dit, il paroît démontré que toutes ces recettes, décrites dans les ouvrages d’économie rurale et domestique, tendantes à augmenter le volume des œufs, sont inutiles et la plupart dangereuses, puisqu’elles peuvent souvent tarir la source de cette production en disposant les poules à la graisse ; il n’y a qu’un moyen pour atteindre le but qu’on se propose relativement aux œufs, c’est de garnir la basse-cour des espèces de poules qui doivent en donner de volumineux ; mais le nombre qu’on en obtiendra fera bientôt revenir aux poules communes, qui méritent d’occuper le premier rang parmi les pondeuses.

Comment reconnoître que des œufs sont frais ? Peut-on distinguer ceux qui doivent donner des mâles et des femelles ?

Pour juger qu’un œuf est frais, les ménagères sont, comme on sait, dans l’habitude de les présenter à la lueur d’une chandelle ; s’il est plein et transparent, elles croient avoir la preuve qu’il vient d’être pondu ; à mesure que l’œuf s’éloigne de cette époque, l’enveloppe calcaire, criblée de trous, laisse transpirer une certaine humidité qui occasionne dans l’intérieur un vide dont la largeur peut donner la mesure de la perte qu’il a essuyée. Comme ce vide est déjà apparent dans un œuf de trois à quatre jours, et qu’il s’élargit graduellement par l’évaporation, l’habitude de le voir a mis sur la voie les marchands d’œufs, et ils jugent à la largeur de ce vide l’état récent ou vieux : on conçoit aisément que ce moyen est un peu fautif, puisque l’évaporation qui a lieu nécessairement ici, doit être en raison de la porosité de la coque, de la saison et du lieu dans lequel l’œuf est mis en réserve.

Il n’est pas facile de juger, à la faveur du même moyen, qu’un œuf est fécondé ou non. Pendant long-temps on a pris pour le germe cette cavité qu’on nomme couronne, et que laisse entrevoir l’albumen lorsqu’on fait durcir l’œuf ; mais comment ce germe pourroit-il être apperçu à l’une des extrémités de l’œuf, puisqu’il se trouve placé sur le globe du jaune à sa partie supérieure, quelle que soit la situation de l’œuf au centre duquel il est suspendu ? Cette position du germe doit servir à prouver que l’opération dont se charge indiscrètement la fille de basse-cour, de retourner les œufs en incubation, pour mettre le germe dans le cas d’éprouver plus de chaleur, est absolument inutile ; la poule couveuse les dé-