Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/157

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sortie d’un essaim, le jeune roi avertit sa colonie de se préparer au départ, & que le soir, lorsque toutes les abeilles sont rentrées, & qu’elles sont tranquilles, il en donne le signal, par un petit son clair redoublé, comme celui d’une petite trompette. La raison qu’il donne de cette séparation, est que le jeune roi ne veut point se rendre maître du domicile où il est né ; par déférence & par considération pour ceux qui lui ont donné le jour.

Quoique toute cette prétendue musique ne soit pas un chant d’allégresse comme on l’a cru, mais plutôt une preuve de l’humeur impatiente des abeilles, il y a des signes moins équivoques que ceux-ci, qu’une ruche est sur le point de donner un essaim. Quand on voit paroître des faux-bourdons qui se promènent sur le devant de la ruche l’après-midi, & chantent leur musique, comme le dit Charles Butler, c’est une preuve que la ruche est en état d’envoyer une colonie fonder un nouvel empire hors du sein de la mère-patrie. La raison en est évidente : dès la fin de l’été, tous les faux-bourdons sont chassés & massacrés quand ils s’obstinent à ne pas vouloir aller en exil, auquel ils sont condamnés par l’autorité suprême de la république : pendant l’automne & l’hiver, il n’y en a donc plus dans la ruche ; ceux qui paroissent au printems annoncent par conséquent que la mère-abeille a donné naissance à une nouvelle famille : la mère-ruche est donc en état d’envoyer une partie de ses enfans pour s’établir ailleurs. Lorsque les abeilles sont en si grand nombre, qu’elles sont entassées les unes sur les autres, que la table de la ruche en est presque couverte, ou qu’amoncelées contre les parois extérieures de leur logement pendant la nuit, elles font un bourdonnement considérable ; c’est encore une preuve que la ruche est en état de fournir un essaim. Une ruche qui peut, eu égard à sa grande population, fournir un essaim, ne le donne pas toujours. Si ces jeunes abeilles, qui brûlent du desir de faire des conquêtes, n’ont point de chef qui marche à leur tête, elles ne partiront point, quelque incommode que soit leur domicile. Ainsi les faux-bourdons qui paroissent au printems, annoncent une nouvelle ponte, un grand nombre d’abeilles, une population considérable, mais pas toujours un essaim prêt à partir.

La preuve la moins équivoque qu’une ruche est prête à donner un essaim, & qui annonce son départ pour le jour même, c’est quand on voit les abeilles négliger de sortir de leur ruche pour aller au travail, quoique le tems soit très-favorable pour la récolte du miel & de la cire : alors, si elles sortent, c’est en petit nombre, & celles qui reviennent des champs se reposent sur le devant de la ruche, sans être empressées d’entrer pour se décharger de leur fardeau. Elles prévoient sans doute que ces provisions qui seroient superflues dans une habitation qui en est pourvue abondamment, vont leur devenir très-utiles dans la nouvelle demeure où elles ont dessein d’aller s’établir, & où elles ne trouveront aucune des choses qui leur sont nécessaires pour commencer leur ménage. Quels que soient leurs motifs que nous ne pou-