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piquûres des abeilles ; on est presque assuré que le lendemain tout sera tranquille dans la ruche, & que toutes les ouvrières travailleront ensemble avec une parfaite union, comme si elles n’avoient jamais composé qu’une seule famille : tout l’accident qui en résultera, sera la mort d’une des deux reines. Ce sacrifice étant nécessaire au bien de l’état, il faut s’en applaudir. On peut encore faire cette réunion, en transvasant les ruches. (Voyez la Section troisième du septième Chapitre de cette troisième Partie, page 123.) Pour prévenir toute espèce de tumulte, qui n’est jamais occasionné que par la concurrence des deux reines qui se disputent la souveraineté, & qui entraînent dans leurs divisions les sujets qu’elles gouvernoient avant la réunion des deux états, on peut avoir recours à un moyen très-simple, qui préviendra la division & la guerre ; c’est d’enfumer l’essaim qu’on veut réunir, avec la fumée de vesse-de-loup, qui est une espèce de champignon : elle engourdit & étourdit les abeilles pendant une demi-heure, sans leur causer le moindre mal ; & on peut alors les ramasser avec les mains sans danger ; on cherche les reines pour les prendre, & ensuite on met les abeilles par poignées sous la ruche à laquelle on veut les réunir ; elles se croient alors toutes de la même famille, parce qu’elles n’ont qu’un chef ; & par ce moyen il n’y a point de dispute. On pourroit encore faire usage du bain. (Voyez la Section quatrième du septième Chapitre de cette troisième Partie, pag. 126).


Section XII.

Nécessité de marier ou de réunir les Essaims tardifs & les Ruches foibles.


Pour se dispenser de réunir les essaims tardifs, il faudroit pouvoir les loger dans des ruches proportionnées au nombre d’abeilles dont ils sont composés : dans ce cas, il y auroit encore un inconvénient, parce qu’il pourroit arriver que la récolte fût plus favorable qu’on ne le présumoit, & alors leur logement ne suffiroit point pour recevoir & contenir les provisions qu’ils seroient en état de faire. Le vrai moyen de profiter de ces essaims tardifs & trop foibles, est celui de les réunir : il devient d’une nécessité absolue aux approches de l’hiver, parce que le froid, qui peut être fort rigoureux, les feroit mourir infailliblement, si on les laissoit dans un logement trop vaste, où les abeilles auroient bien de la peine à s’échauffer. Quand même elles passeroient l’hiver dans cette froide habitation, dépourvue en partie des choses qui leur sont nécessaires, il seroit à craindre qu’elles ne se dégoûtassent au printems de leur domicile, parce qu’il leur est assez ordinaire de s’effrayer en voyant beaucoup d’ouvrage à faire, & peu d’ouvrières pour y travailler. En second lieu, leur reine, qui est jeune, peut être très-féconde, & alors elle donnera beaucoup d’occupations au petit nombre d’ouvrières qui seront avec elle, qui l’abandonneront pour ne pas succomber sous le poids de tant de travaux, & la colonie sera perdue. Les raisons qu’on a de marier