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reine voudroit placer les sujets de son empire naissant.

C’est après la grande ponte des mois d’Avril & de Mai, que M. de Gélieu conseille de travailler aux essaims artificiels. Pour savoir quand on pourra commencer cette opération, il faut s’assurer si la ruche est bien fournie d’abeilles : pour cet effet, on la soulève un peu par derrière pendant la fraîcheur du matin ; si on remarque la table bien couverte d’abeilles, qu’elles soient en grand nombre sur les gâteaux & contre les parois intérieures de la ruche, c’est une preuve certaine que la population de cet état est très-considérable, & qu’on peut en conséquence diviser la ruche pour former deux essaims. Quand même on n’apperçoit point de faux-bourdons, il ne faut pas pour cette raison retarder l’opération : ils sont encore dans leurs cellules prêts à briser les portes de leur prison pour sortir au premier instant.

Quand on est décidé à partager une ruche pour former deux essaims, après le soleil couché on apporte une ruche vuide sans être liée : on la met à côté de soi près de celle qu’on veut partager ; on enlève doucement avec la pointe d’un couteau le pourjet appliqué à la jonction des demi-ruches, & celui qui fixe sur le support, ou la table, la demi-ruche qu’on veut ôter : on coupe les liens qui attachoient les demi-ruches ensemble ; une personne enlève alors la demi-ruche détachée, pour la placer tout de suite à côté sur une table préparée à cet effet, tandis qu’une autre joint une demi-ruche à celle qui est restée, & fait ensuite la même opération à celle qui a été transportée. Dès qu’on a joint à ces deux demi-ruches pleines, deux autres vuides, on les lie fortement avec de la ficelle ou de l’osier, on enduit les ouvertures que laissent leur jonction, avec du pourjet.

Quoique la ruche ait été partagée également, il y aura toujours une moitié, qui est celle où se trouvera la reine, qui sera plus fournie d’abeilles que l’autre. Pour mettre entr’elles autant d’égalité qu’il est possible, il faut s’assurer dans quelle moitié de la ruche la reine est restée, parce que c’est celle où les abeilles sont en plus grand nombre, afin de transporter cette ruche à quinze ou vingt pas de son premier emplacement, & de mettre sur sa table celle qui en est dépourvue. En laissant les deux ruches à côté l’une de l’autre, pendant une heure seulement, on ne tardera pas à s’appercevoir quelle est celle où la reine est demeurée. Le trouble ou la tranquillité des abeilles fera connoître en très-peu de tems de quel côté est cette mère chérie qu’elles ne peuvent se résoudre d’abandonner. La ruche qui a la reine tardera peu à se tranquilliser ; un battement d’ailes uniforme & paisible, un doux bourdonnement, annonceront la sécurité qui suit de près le tumulte qu’on aura excité par la division de la colonie. Les abeilles de l’autre ruche paroîtront, au contraire, très-agitées ; on les verra courir avec inquiétude, sortir, rentrer, chercher leur reine, qu’elles ne manqueront pas de rejoindre, si les deux ruches sont à côté l’une de l’autre, abandonnant toutes les provisions qui leur sont échues en