Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/270

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pourvoir à leur subsistance ; les grecs en firent hommage à Cérès & à Triptolème son fils ; les latins placèrent au rang des dieux, Janus, un de leurs rois, pour le service qu’il avoit rendu à la patrie ; enfin, les romains déifièrent Numa, & Romulus couronna ses prêtres avec des épis de bled. Mais comment l’agriculture est-elle parvenue successivement au point où nous la voyons ? À quelle nation, à quel siècle doit-on la découverte de la charrue, l’art du jardinage, l’art de greffer, &c. ? On ne sauroit le dire précisément. Si on remonte aux égyptiens, on voit par la constitution même de leur empire, qu’en supposant l’agriculture à un certain point de perfection, elle devoit nécessairement dégénérer, puisque toute la science résidoit dans la classe des prêtres. C’étoit le seul état considéré, le seul élevé en dignité & pouvoir. Le fils devoit succéder à son père : il étoit prêtre-né, & tout homme pouvoit être admis au sacerdoce. Qu’attendre des autres ordres de l’état qui végétoient dans le mépris & dans l’avilissement ! Dès-lors, la multitude des prêtres des chats, des prêtres des oiseaux, des prêtres du bœuf Apis, forma la classe la plus nombreuse & peu à peu diminua, ruina & épuisa la classe des travailleurs. Les forces manquèrent à l’état, & il devint la proie de ceux qui voulurent le conquérir. En vain, pour prouver l’excellence de l’agriculture de ce peuple, & les instructions qu’il recevoit de ses prêtres, a-t-on recours à ces hiéroglyphes fameux, qui sont encore l’écueil de tous les systêmes. La manière d’enseigner & d’instruire n’a jamais dû être plus obscure que l’objet à enseigner ; & pourquoi en faire un mystère, en réserver la connoissance aux prêtres qui ne cultivoient pas, & par conséquent qui en avoient moins besoin que le peuple ?

Si on jette un coup d’œil sur le goût que les grecs eurent pour les sciences & pour les arts, on sera porté à croire que l’agriculture fit beaucoup de progrès parmi eux, & l’économique publiée par Xénophon en seroit la preuve. Cependant, toutes les fois que l’agriculture n’est pas intimement liée avec le systême politique du gouvernement, il est naturel de supposer qu’elle sera toujours languissante ; & chez les grecs, rien ne prouve cette union. D’un autre côté, le génie changeant de ce peuple aimable & frivole, & son excessive passion pour les arts agréables, démontre son peu d’aptitude pour une science qui demande un esprit réfléchi, sérieux, persévérant, & beaucoup d’attention. Quel est donc le peuple qu’on doive considérer comme notre maître ? Les romains ont cet avantage. Cette assertion cependant exige quelques modifications. Les romains sont nos maîtres, non pour avoir inventé des méthodes & perfectionné les instrumens d’agriculture, mais pour avoir rapporté dans leur patrie les méthodes & les instrumens des peuples qu’ils fournirent à leur empire. C’est par ce mélange heureux de pratiques différentes, naturalisées chez eux, qu’ils sont parvenus à avoir un ensemble, & à devenir nos modèles. Pour les bien juger, examinons ce qu’ils ont fait pour l’agri-