Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/272

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cieuse. « Si ces terres immenses n’avoient pu être acquises que par des voies légitimes, soit au prix d’un argent gagné par des travaux honnêtes & utiles, soit au prix des services rendus à l’état, la liberté d’acquérir la plus illimitée n’auroit point eu d’inconvéniens, parce que l’abus n’auroit jamais pu être porté fort loin. On avance lentement dans la carrière de l’intérêt, lorsque ce n’est pas en pillant le souverain ou le peuple que l’on peut s’enrichir, & lorsqu’il faut tirer de ses égaux, & sans contrainte, de quoi se procurer une fortune ; mais quand l’autorité souveraine, par sa manière d’administrer, donne lieu de faire rapidement des fortunes monstrueuses, il n’y a plus ni frein, ni barrières. C’étoit le cas où se trouvoit la république romaine ».

En 621 Sempronius Graculus fît revivre la loi qui fixoit les plus grandes possessions à cinq cents journaux. Il paya de sa vie son patriotisme & sa hardiesse d’oser attaquer les usurpateurs des terres publiques. Cette loi différa des précédentes, en ce qu’elle permettoit en outre, au père, de posséder deux cents cinquante journaux pour chacun de ses fils, & elle défendoit, pour l’avenir, aux nouveaux propriétaires du territoire de la république, de le vendre.

Après la mort de Sempronius, le dernier des défenseurs des loix agraires, relatives aux possessions, elles furent supprimées. On imposa un cens sur toutes les terres usurpées sur le domaine de la république, afin de le distribuer au citoyen indigent & peu à peu les gens riches parvinrent, sous différens prétextes, à ne le plus payer. Ici finit la première époque, avec l’anéantissement des loix agraires.

Il existoit encore un autre code de loix. La première assuroit, de la manière la plus invariable, le droit de propriété à chacun. Cette loi ne fut jamais transgressée, pas même par les empereurs qui se croyoient tout permis, parce que tous les individus, depuis les gens constitués en dignité jusqu’au plus pauvre propriétaire, avoient un intérêt direct à sa conservation ; & la propriété est un droit si naturel qui ne peut & ne doit pas être soumis aux caprices ou aux malversations de l’homme en place. La propriété fut si sacrée chez les romains, qu’ils punirent du supplice de la croix ceux qui gâtoient volontairement ou coupoient la moisson des autres pendant la nuit. Celui qui déplaçoit la borne d’un champ étoit regardé comme un coupable, & on avoit le droit de le tuer ; tout, en un mot, favorisoit la propriété : chacun avoit le droit de tuer le gibier sur son patrimoine ; aucune loi ne forçoit de porter ses denrées au marché, il étoit permis d’attendre une occasion favorable pour les vendre à un prix avantageux, & même au double de la valeur ordinaire. Nul citoyen n’avoit le droit de conduire ses troupeaux sur le champ de ses voisins, & le droit de parcourt ou de communaux étoit inconnu à Rome. On y multiplia les marchés, les foires, & il fut défendu de tenir aucune assemblée ces jours-là, afin de ne pas détourner le cultivateur : des grands chemins bien entretenus, facilitèrent le trans-