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plus chaud que le Haut-Languedoc. Ce pourroit être un cinquième climat.

Depuis Toulon jusqu’à Monaco, on voit les orangers en pleine terre, & on n’en trouve plus dans le reste de la Provence & du Languedoc. Cependant, comme cette culture est précieuse & lucrative, il est à croire qu’on a fait plusieurs tentatives dans les pays voisins de celle où elle est usitée ; & si on n’y a pas réussi, c’est que le climat ne l’a pas permis. À Toulon, quelques orangers sont cultivés dans les jardins, & les rigueurs de l’hiver leur seroient souvent funestes, si on ne les en garantissoit pas : mais à Hières, qui n’en est éloigné que de quelques lieues, à Grasse, à Vence, à Connatte, à Nice, à Monaco, &c., la culture en est solidement établie, & l’arbre est naturalisé au pays. La grande chaîne des Alpes les garantit si complettement du nord, qu’on diroit que ces pays sont autant d’espaliers exposés au sud, accolés à la montagne, & de tous les côtés abrités par des montagnes escarpées.

Dans les trois climats ou trois genres d’abris dont on vient de parler, il y pleut rarement. Les montagnes, placées à leur nord, attirent par leur sommet & par leurs forêts, les nuages chariés par les vents du midi ; & ceux portés par les vents du nord, sont chassés fort au loin dans la mer. Enfin, dans l’un & dans l’autre cas, il faut un conflit de plusieurs directions de vents pour que le pied de ces montagnes & son terrain jusqu’à la mer soit arrosé par les masses énormes de nuages qui roulent sur leur tête avec la plus grande célérité. Sans l’humidité qui s’élève de la mer par les vents d’est & du sud, qui humecte les plantes par de très-fortes rosées, aucune plante ne sauroit végéter. On voit par-là pourquoi il pleut beaucoup à Toulouse. Cette ville est couverte au sud, à une certaine distance, par la chaîne des Pyrénées ; & au nord, à peu près à la même distance, par les montagnes du Rouergue : de sorte que les nuages attirés d’une part ou d’une autre se dégorgent dans l’espace qu’ils ont à parcourir, parce que la longueur du trajet d’une chaîne de montagne à une autre, excède la force de leur direction.

D’après les exemples qu’on vient de citer, & les applications qu’on peut en faire à chaque province du royaume, il est aisé de concevoir pourquoi un canton est plus pluvieux qu’un autre ; pourquoi telle ou telle paroisse est, pour ainsi dire, chaque année abîmée par la grêle, tandis que la paroisse limitrophe en est exempte.

Le quatrième climat, au moins aussi méridional que Toulon, & beaucoup plus que Grasse, Nice, Monaco, &c., contraste singuliérement avec les trois autres. En sortant de Bayonne pour aller à Saint-Sébastien, capitale de la petite province de Guipuscoa en Espagne, on traverse la rivière de Bidassoa, qui sépare les deux royaumes. Dès-lors, on ne trouve plus de vignes. Les pommiers y sont cultivés comme en Normandie, en Bretagne, &c. & la boisson du peuple est le cidre. La seule différence dans ces arbres, est que les sauvageons d’Espagne y sont natu-