Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/351

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morceau de viande détaché de l’animal vivant, puisse se rétablir dans son premier état, & récupérer toutes les parties détruites par la simple application de l’air fixe. Si l’effet de cet air est si sensible sur de la chair morte ; s’il détruit la sanie purulente qui la recouvre ; s’il a l’art de la rappeler à son état sain, que ne doit-il pas faire, lorsqu’aidé par les efforts de la nature, qui lutte sans cesse pour arrêter les progrès de la putréfaction, & régénérer les parties qu’elle détruit perpétuellement, on l’applique immédiatement au corps vivant attaqué d’une maladie putride ? Le succès doit couronner cette application : c’est ce qui est confirmé par plusieurs faits.

M. Hey fut le premier qui osa introduire de l’air fixe pur dans le canal intestinal, & l’administrer en forme de lavement à une personne attaquée d’une fièvre putride très-opiniâtre, & qui résistoit à tous les remèdes employés en pareil cas. Il joignit à ces lavemens l’usage de l’eau saturée d’air fixe qu’il donna pour boisson, & avec ce remède il parvint en peu de jours à une guérison parfaite.

Comme nous écrivons pour tout le monde, & que notre dessein est d’être utile aux médecins & chirurgiens de la campagne surtout, nous allons donner le précis & de la maladie & du traitement. Le même cas peut arriver ; sans doute que le même succès suivra.

En 1772, le 8 Janvier, un jeune homme, appelé Light-bonne, fut attaqué d’une fièvre qui au bout de dix jours fut accompagnée de tous les symptômes qui indiquent un état de putréfaction dans les fluides. Le dixième jour, il perdit la connoissance, eut un grand dévoiement ; son pouls battoit cent dix fois par minute, il étoit petit. M. Hey qui fut alors appelé, ordonna qu’on lui fît prendre toutes les cinq heures vingt-cinq grains de quinquina & huit grains de racine de tormentille en poudre ; & pour la boisson ordinaire, de l’eau & du vin rouge. Le onzième jour, il eut un grand saignement de nez que l’on arrêta avec des tentes très-douces, trempées dans de l’eau froide imprégnée dans une teinture de fer, qu’on introduisit dans les narines jusqu’à leur ouverture postérieure. Il avoit la langue, les dents & le gosier couverts d’une pellicule noire & épaisse, que la boisson ne put jamais dissiper : la diarrhée & la stupeur continuoient, & il marmottoit entre ses dents. On lui donna toutes les trois heures un scrupule de quinquina avec dix grains de tormentille. Il prit le matin & le soir un lavement dans lequel il y avoit une drachme de poudre de bol, composée sans opium. M. Hey fit ouvrir une fenêtre de la chambre, quoique le froid fut très-vif, & répandre du vinaigre sur le plancher, à plusieurs reprises.

Le douzième jour, les symptômes étoient à peu près les mêmes : au quinquina en substance qui avoit rebuté le malade, on substitua la teinture d’Huxham, dont il prenoit une cuillerée toutes les deux heures dans une tasse d’eau froide. Il buvoit de tems en tems de la teinture de rose ; mais sa boisson ordinaire étoit le vin rouge trempé, ou de l’eau de riz & de l’eau de vie, acidulées avec l’élixir de vitriol. Il se lavoit