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Les îles & îlots formés successivement au milieu des fleuves & des grandes rivières, du Rhône, par exemple, n’appartiennent point aux riverains, mais aux domaines du roi.


ALMANACH, est un calendrier, ou table, où sont marqués tous les jours de l’année, les fêtes, le cours du soleil, de la lune, &c. Dans quelques-uns, on y rencontre encore les jours de foires & de marchés.

Il est peu d’objets dont l’ignorance & la stupide superstition aient plus abusé. Dans tous les tems, même les plus reculés, nous voyons les peuples trembler sous les prédictions insensées dont les fastes ou almanachs anciens étoient remplis. L’inquiétude, l’amour de la vie, le desir de connoître ce qui nous doit arriver, corrompirent l’astronomie en inventant l’astrologie judiciaire ; c’est dans le cours des astres, dans le lever, le coucher, l’opposition des étoiles & des planètes, qu’on voulut lire la destinée des hommes. Tout n’étoit qu’influence, que rapport, que nécessité. Des millions de fausses prédictions annonçoient en vain la futilité, disons mieux, l’imbécillité de cette science : il suffit que deux ou trois oracles aient été suivis d’événemens annoncés, pour enlever tous les doutes, tant l’homme aime à être trompé. Les chaldéens, les grecs & les romains, en firent une science particulière, qu’ils consacrèrent par l’appareil imposant de la religion. Le peuple, dont l’esprit étroit épouvante toujours l’ame foible & timorée, couroit aux pieds de ses aruspices ; il imploroit, l’or à la main, leur secours ; il leur demandoit leurs secrets mystérieux, tandis que le chef de ces mêmes aruspices se moquoit en lui-même de sa vaine science, & ne pouvoit sans rire regarder en face le trompeur qui partageoit avec lui l’art trop facile d’induire l’ignorant en erreur. Les arabes, grands astronomes, cultivèrent cette science & commencèrent à enrichir de prédictions leurs almanachs. Le cours des astres ne fut plus le seul objet qui remplit le calendrier. Les jours heureux & malheureux ne dépendirent plus des événemens passés ; les astres les annoncèrent & les nécessitèrent. Les italiens dont l’imagination est vive, & l’esprit naturellement inquiet, poussèrent la folie des prédictions encore plus loin. Non-seulement les événemens physiques & naturels, comme les orages, les pluies, les incendies, furent prédits, mais des événemens moraux, comme la fortune ou la misère, la détermination pour un voyage, une guerre, une acquisition, furent des objets essentiellement dépendans de l’influence des astres.

Parmi le grand nombre de vices, de crimes & de malheurs dont le passage des italiens en France inonda nos contrées, il ne faut pas oublier le goût qu’ils apportèrent pour l’astrologie judiciaire & les almanachs à prédiction. À la honte de notre nation, la cour même, & nos plus grands princes, furent infestés de cette folie qui dégénéra dans la plus ridicule puérilité. Un astrologue devint un homme nécessaire, la fortune lui sourioit ; rarement répondoit-il des sottises qu’il avoit débitées. Si par hasard l’événement suivoit ce qu’il avoit